vendredi 22 janvier 2016

Electre, Jean Giraudoux

Note : *****



Présentation de l'éditeur, Le livre de poche :


Agamemnon, le Roi des Rois, a sacrifié sa fille aux dieux. Son épouse, Clytemnestre, l'assassine à son retour de la guerre de Troie, aidée de son amant, Égisthe. Oreste, le fils unique, est banni. Reste Électre, la seconde fille. « Elle ne fait rien. Elle ne dit rien. Mais elle est là.» Aussi Égisthe veut-il la marier pour détourner sur « la famille des Théocathoclès tout ce qui risque de jeter quelque jour un lustre fâcheux sur la famille des Atrides.» Mais Oreste revient et désormais Électre n'est plus que haine, assoiffée de justice et de vengeance au mépris de la menace qui pèse sur le royaume des siens.

Sur ce grand mythe de l'Antiquité, Jean Giraudoux a écrit sans doute sa meilleure pièce. Électre possède une grande force tragique sans jamais perdre cet esprit étincelant, cet humour qui ont fait de Jean Giraudoux l'un des plus grands écrivains du XXè siècle.




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L'auteur :
Jean Giraudoux est né en 1882, il est reçu à l'Ecole Supérieure Nationale en 1903. A partir de 1910, il devient diplomate et Vice-consul à la direction politique et commerciale du ministère des Affaires étrangères, il sera inspecteur des postes diplomatiques et consulaires en 1934, puis, en 1939, commissaire à l'Information, poste qu'il abandonnera l'année suivante pour se retirer près de Vichy, à Cusset.
Jean Giraudoux est un des dramaturges français le plus considérable de l'entre-deux-guerres. Il a écrit des pièces célèbres comme Amphitryon 38 (1928), La guerre de Troie n'aura pas lieu (1935), Électre (1937) ou Ondine (1939) ou La Folle de Chaillot jouée en 1945 après sa mort.
Jean Giraudoux meurt à Paris le 31 janvier 1944, à l'âge de soixante et un ans.

Ma critique :


J'ai encore passé un merveilleux moment avec une pièce de théâtre de M. Giraudoux. Cette fois-ci, on situe après "La guerre de Troie n'aura lieu" (je vous invite à voir ma chronique ), et même une dizaine d'année après le retour et la mort d'Agamemnon en son royaume. Ces deux pièces sont "fabriquées", pensées de la même façon : reprendre un mythe antique grecque pour dénoncer des événements, des façons d'être, de penser très contemporains.
J'ai particulièrement aimé la métaphore avec le sort des hérissons qui ne peuvent s'empêcher de traverser la route pour trouver un idéal, l'amour en l’occurrence, au risque de se faire écraser. C'est clairement une revendication sur le fait de retourner vers une 2eme guerre mondiale.
Il dénonce également les mauvaises intentions et/ou gestion des puissants (représentés par Egisthe, le Président) et la clairvoyance et la rationalisme du peuple (le jardinier, le mendiant).
De nombreuses allusions sont également faites à la croyance chrétienne, aux "pouvoirs" des Dieux, et à leurs conséquences.
Et encore une fois, il met en avant la condition féminine au travers du discours de Clytemnestre notamment.

J'ai trouvé détestable le personne d'Electre : réac, égocentrique, limite psychopathe tout de même. Elle n'a pas dépassé son complexe d'Oedipe (on pourrait appelé le pendant féminin le complexe d'Electre) :elle n'entend rien au mariage arrangé de sa mère, du besoin d'amour nécessaire pour l'accomplissement d'une femme, du meurtre orchestré de sa fille par son propre père (pour les "beaux yeux d'Hélène"). Elle reste dans son petit monde, dans l'amour de père qu'elle idolâtre alors qu'elle l'a vu cinq minutes au retour de la guerre, et au delà de ça, à l'entendre, elle aurait enfanter son frère, elle est dans cette toute puissance relative à ce stade œdipien, et ne l'a pas dépassé.
Alors qu'Electre représente le passé, Clytemnestre serait plutôt la femme moderne qui dénonce les mariages sans amour, et la quête d'une reconnaissance de soi en tant que femme d'exister autre que par son mari. Pour cette différence, la scène 5, acte II est vraiment superbement orchestrée.

Et Orestre, me direz-vous, dans tout ça ? Eh bien, ce pauvre Orestre, dès le départ il a les Euménides sur lui qui le poursuivent tout au long de la pièce puisqu'elles connaissent l'issue tragique. Lui, il est content de revenir dans son pays, de voir sa sœur, et essaye de renouer avec sa mère mais Electre qui tient les ficelles le conduira à sa perte, à ce matricide. Mais tout comme "Le guerre de Troie n'aura pas lieu", il est plutôt attentiste et manipulé par une femme.

Quelques citations relevées :

ACTE II. Scène 1

LE MENDIANT. Je dis Il. Je parle du jour.
ELECTRE. Je parle de la lumière.
LE MENDIANT. Cela ne va pas te suffire que les visages des menteurs soient éclatants de soleil ? Que les adultères et les assassins se meuvent dans l’azur ? C'est cela le jour. Ce n'est déjà pas mal.
ELECTRE. Non. Je veux que leur visage soit noir en plein midi, leurs mains rouges. C'est cela la lumière. Je veux que leurs yeux soient cariés, leur bouche pestilentielle.
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ACTE II. Scène 2

LE JEUNE HOMME. Et tu ne trouves pas cela horrible?
AGATHE. Horrible? Épouvantable.
LE JEUNE HOMME. Et tu n'en souffres pas?
AGATHE. Pas du tout... Ah ! si j'en souffre? A mourir ! A mourir ! Embrasse-moi, chéri. Maintenant tu sais tout, et au fond j'en suis heureuse. Tu n'aimes pas mieux que tout soit clair entre nous ?
LE JEUNE HOMME. Oui. Je préfère tout au mensonge.
AGATHE. Quelle gentille façon de dire que tu me préfères à tout, mon amour ! ...
                                           


Fiche technique :

Editeur: Grasset                 Date d'édition : 1937      177 pages


Pour aller plus loin :




Electre sur le tombeau d'Agamemnon


Oreste massacrant Egisthe et Clytemnestre (1654) de Bernardino MEI

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