vendredi 18 décembre 2015

La guerre de Troie n'aura pas lieu, Jean Giraudoux


Note : *****



Présentation de l'éditeur, Le livre de poche :


«La guerre de Troie n'aura pas lieu», dit Andromaque quand le rideau s'ouvre sur la terrasse du palais de Priam.
Pâris n'aime plus Hélène et Hélène a perdu le goût de Pâris, mais Troie ne rendra pas la captive car pour tous les hommes de la ville «il n'y a plus que le pas d'Hélène, la coudée d'Hélène, la portée du regard ou de la voix d'Hélène », et les augures eux-mêmes refusent de la laisser partir.
Hector, pour Troie, et Ulysse, pour la Grèce, tentent à tout prix de sauver la paix. Mais la guerre est l'affaire de la Fatalité et non de la volonté des hommes. La guerre de Troie aura lieu.

Pièce en deux actes, La guerre de Troie n'aura pas lieu a été représentée pour la première fois le 22 novembre 1935 au Théâtre de l'Athénée, sous la direction de Louis Jouvet. Son succès fut éclatant et immédiat et ne s'est jamais démenti depuis.



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L'auteur :
Jean Giraudoux est né en 1882, il est reçu à l'Ecole Supérieure Nationnale en 1903. A partir de 1910, il devient diplomate et Vice-consul à la direction politique et commerciale du ministère des Affaires étrangères, il sera inspecteur des postes diplomatiques et consulaires en 1934, puis, en 1939, commissaire à l'Information, poste qu'il abandonnera l'année suivante pour se retirer près de Vichy, à Cusset.
Jean Giraudoux est un des dramaturges français le plus considérable de l'entre-deux-guerres. Il a écrit des pièces célèbres comme Amphitryon 38 (1928), La guerre de Troie n'aura pas lieu (1935), Électre (1937) ou Ondine (1939) ou La Folle de Chaillot jouée en 1945 après sa mort.
Jean Giraudoux meurt à Paris le 31 janvier 1944, à l'âge de soixante et un ans.

Ma critique :


La guerre de Troie n'aura pas lieu ? eh bien, si, l'Histoire ou (et?) le Destin veut qu'elle ait eu lieu, mais comment en est-on arrivé là ?

Petit rappel de l'histoire : Tout à commencé un jour de banquet où la déesse de la Discorde qui n'était pas invitée (un peu comme Maléfique à la naissance d'Aurore ...) décide de lancer la Pomme de la discorde où il est écrit "pour la plus belle". Bien sûr, les déesses toutes aussi superficielles et orgueilleuses les unes que les autres demandent à Zeus (mâle dominant mais plutôt pleutre sur ce coup) de désigner LA plus belle. Celui-ci décide de confier cette tâche (si existentielle) à Pâris, un troyen (le plus beau de tous les humains) qui choisit la belle Aphrodite qui lui promis l'Amour de la plus belle des mortelles .... la fameuse Hélène. Sauf que Hélène, grecque d'origine, est mariée à Ménélas ... et c'est là que commence le drame : ils partent vers Troie rejoindre le père et roi de Troie, Priam. Ménélas, quant à lui rameute tous les rois des états grecs, qui en pinçaient tous pour la belle Hélène et lui avaient juré protection (Ulysse, Achille, .. pour les plus connu).

La pièce de Giraudoux, commence donc quand Hector, fils de Priam et frère de Pâris, rentre de guerre, en se disant qu'il a bien mérité un peu de repos et qu'il va enfin profiter de sa femme Andromaque (la célèbre Andromaque, bien connu des "raciniens") qui de surcroit, attend un petit (la fameuse pièce d'échange au cœur de l'ouvre de Racine). Et là, il apprend que son frère, Pâris n'est pas rentré seul et qu'Hélène est tellement bêeelle que personne ne veut qu'elle parte et puis tant pis s'il y a une guerre après tout ...
Le pauvre Hector ! Il tente tout pour éviter cette guerre, la persuasion auprès des hommes et d'Hélène, l'humiliation (en passant outre les gifles de Oiax et même la cour qu'il fait à sa propre femme) et la démonstration, avec Ulysse. Il est épaulé de sa sœur Cassandre, qui prédit tous les malheurs que cela engendrera sur Troie, mais comme Apollon a bien fait son boulot, personne ne la croit (je rappelle, qu'elle a le don de divination mais Apollon, furieux d'avoir été éconduit par la demoiselle, lui a retiré le don de persuasion) et de sa femme Andromaque (qui sent bien que c'est elle qui va perdre beaucoup dans l'histoire ...) qui essaye elle aussi de dire à Hélène de repartir en Grèce, en vain ...à la fin elle lui demande au moins d'aimer Pâris pour que les hommes ne meurent pas pour rien ...

De l'autre côté, chez les grecs, Oiax qui au départ, est très virulent et veut tuer Pâris pour l'affront fait à Ménélas et aux Grecs, ressort, après sa discussion avec Hector, plutôt raisonné et est prêt à repartir. Reste plus qu'à décider Ulysse, messager des grecs, qui lui n'est ni pour ni contre, ils s'en remet au Destin.
Le pire personnage est donc Demokos, le poète "guerrier", il trouve tous les faux prétextes pour que les autres aillent au combat (pas fou le gars, c'est pas lui sur le front ...): la fierté troyenne, les valeurs à défendre, les femmes à protéger, et enfin le mensonge.

Le destin fait que ...

Mais éloignons-nous un peu de la guerre de Troie car comme dans l'Histoire, cette pièce sert de cheval de Troie à Giraudoux pour nous dire ce qu'il pense de la guerre, des décideurs, de la vanité des hommes et de la future guerre qui se prépare.

Nous sommes en 1935, aux prémisses de la 2nde guerre mondiale et Giraudoux, qui a combattu à la 1ère a bien senti dans l'atmosphère qui règne qu'une 2eme n'est pas loin de se déclarer. Et donc, clairement, les causes, ce ne sont pas pour une belle femme ou pour suivre un quelconque destin mais à cause des hommes et principalement ceux qui ne sont pas sur le terrain, les décideurs, les chefs (représenté par Priam) et les intellectuels, les patriotes sur le papier (Demokos, dans la pièce).

Un petit mot sur le style d'écriture, il use du mélange des genres entre la tragédie, la comédie et l'absurde (voire burlesque) : voir les citations. Il a su rester dans l'histoire grecque tout en parsemant des faits d'histoire contemporaine (a savoir sur la 1ère et la 2nde guerre mondiale) très habilement et intelligemment. Un grand auteur !!

Quelques citations relevées :

Acte I, scène 6 :
ANDROMAQUE : Oh ! justement, père vous le savez bien ! Ce sont les braves qui meurent à la guerre. Pour ne pas y être tué, il faut un grand hasard ou une grande habileté. Il faut avoir courbé la tête ou s'être agenouillé au moins une fois devant la danger. Les soldats qui défilent sous les arcs de triomphe sont ceux qui ont déserté la mort. Comment un pays pourrait-il gagner dans son honneur et dans sa force en les perdant tous les deux?
PRIAM : Ma fille, la première lâcheté est la première ride d'un peuple.
ANDROMAQUE : Où est la pire lâcheté? Paraître lâche vis-à-vis des autres, et assurer la paix? Ou être lâche vis-à-vis de soi-même et provoquer la guerre?
DEMOKOS : La lâcheté est de ne pas préférer à toute mort la mort pour son pays.
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Acte I, scène 4 :
PARIS: Dis-moi que tu hais Ménélas ...
HELENE : Ménélas? Je le hais.
PARIS: Tu n'as pas fini... Je ne retournerai jamais en Grèce. Répète.
HELENE : Tu ne retourneras jamais en Grèce.
PARIS : Non, c'est toi qu'il s'agit
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Acte II, scène 3 :
DEMOKOS : Hélène, une minute ! Et regarde-moi bien en face. J'ai dans la main un magnifique oiseau que je vais lâcher... Là, tu y es? ... C'est cela... Arrange tes chevaux et souris un beau sourire.
(...)
DEMOKOS : Ne bouge plus...Une ! Deux ! Trois ! Voilà ... c'est fait, tu peux partir ...
HELENE : Et l'oiseau?


Fiche technique :

Editeur: Le livre de poche                  Date d'édition : Février 1972      190 pages


Pour aller plus loin :


Vénus persuade Hélène de tomber amoureuse de Pâris par Angelica Kauffman. 
( © Musée de l'Ermitage, St Petersbourg)

Hector adresse des reproches à Pâris - P.C.F. Delrome -  © musée de Picardie (Amiens)


Le cheval de Troie, détail d'une peinture de Giambattista Tiepolo


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