dimanche 14 août 2016

Jacob, Jacob, Valérie Zenatti


Note : *****

Récompenses:

Prix Inter - 2015
Prix Méditerranée - Français - 2015

Présentation de l'éditeur, L'Olivier:

«Le goût du citron glacé envahit le palais de Jacob, affole la mémoire nichée dans ses papilles, il s’interroge encore, comment les autres font-ils pour dormir. Lui n’y arrive pas, malgré l’entraînement qui fait exploser sa poitrine trop pleine d’un air brûlant qu’elle ne parvient pas à réguler, déchire ses muscles raides, rétifs à la perspective de se tendre encore et se tendant quand même

Jacob, un jeune Juif de Constantine, est enrôlé en juin 1944 pour libérer la France. De sa guerre, les siens ignorent tout. Ces gens très modestes, pauvres et frustes, attendent avec impatience le retour de celui qui est leur fierté, un valeureux. Ils ignorent aussi que l’accélération de l’Histoire ne va pas tarder à entraîner leur propre déracinement.

L’écriture lumineuse de Valérie Zenatti, sa vitalité, son empathie pour ses personnages, donnent à ce roman une densité et une force particulières.



Lire un extrait



L'auteur :

Née à Nice en 1970, dans une famille juive, Valérie Zenatti a émigré en Israël à l’âge de 13 ans. Avec sa famille, elle a vécu à Beer-Sheva, ville du sud d'Israël. De 1988 à 1990, elle effectue son service militaire comme toutes les jeunes Israéliennes de son âge.

Elle revient en France pour y suivre des études d’histoire et d’hébreu (qu’elle a approfondi à l’Inalco). Elle est d’abord journaliste, puis passe le Capes pour devenir professeur d’hébreu, son premier poste est à Lille.

Son premier roman, Une addition des complications, a été publié en 1999. Une douzaine de titres ont suivi, dont Une bouteille dans la mer de Gaza, paru en 2005, qui a reçu une vingtaine de prix, a été traduit dans quinze pays, adapté au théâtre et par elle-même et le réalisateur Thierry Binisti pour le cinéma sous le titre Une bouteille à la mer, sorti en 2012 en France

Romancière, elle est l’auteur de En retard pour la guerre et Les Âmes sœurs (Éditions de l'Olivier, 2006 et 2010). Mensonges, paru en 2011, est un récit qui se fait l’écho de l’œuvre de Aharon Appelfeld, dont elle est par ailleurs la traductrice. En 2014 elle publie Jacob, Jacob qui est sélectionné pour plusieurs prix littéraires et qui sera récompensé en 2015 par le prix du Livre Inter.

Ma critique :

Jacob est le dernier garçon de la fratrie, et il a tout d'un ange : il n'use pas de la force, de la violence de regards durs pour perpétuer les traditions familiales tout aussi injustes que barbares. Non, Jacob est l'avenir, il est instruit, il parle l'arabe, le français et l'anglais, il est doux, aime les enfants et son pays.

Mais comme tous les français d'Algérie et d'ailleurs, il s'engage dans la 2nde guerre mondiale. Il quitte les paysages somptueux de Constantine, la chaleur des femmes de la famille et rencontre un groupe multi-ethnique, multi-religieux . Ensemble, ils remonteront de la Provence à l'Alsace pour repousser, tuer l'ennemi et sauver la France. Ils découvriront l'horreur de la guerre, la joie de la libération, l'amour, ...

Une partie du roman se concentre sur ces femmes de la famille : la grand-mère qui attend son petit dernier, va affronter seule la ville pour lui apporter un panier de victuailles, le voit dans son petit-fils ; la belle-fille qui ne cesse d'enfanter des filles, qui vit ses tragédies dans une solitude infinie et les petites filles. On y découvre surtout Camille, la cadette qui représente la jeunesse des années 60, la révolte de la femme, ce que les anciennes auraient rêvé faire, vivre pour elle-même.

Et enfin, la dernière partie qui aborde la guerre d'Algérie mais très sommairement ... (qui est pour moi le petit moins de cette lecture; j'aurais préféré un arrêt avant et un autre livre sur ce thème).

Encore un livre court mais intense, l'écriture de Valérie Zénatti est sensitive dans la description des paysages, des rues, des repas de familles, ... et psychologique dans la compréhension des mœurs des juifs d'Algérie tout en pudeur, nostalgie et amour.

Quelques citations relevées :

Pourtant, Monsieur Baumert leur avait dit que la poésie résiste à tout, au temps, à la maladie, à la pauvreté, à la mémoire qui boite, elle s'inscrit en nous comme une encoche que l'on aime caresser, mais les vers, ici, ne trouvent pas leur place, ils jurent avec les uniformes, sont réduits au silence par les armes.

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Par la grâce des mots de Jacob, du ton distingué qui les sculpte, des gestes souples qui l'accompagnent, l'appartement se transforme en château de Versailles et les deux femmes sont fascinées par la lumière qui inonde subitement la pièce, elles entrevoient une vie chimérique où les hommes parleraient aux femmes comme à des êtres précieux, dignes de respect et d'amour...

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Constantine, ocre et blanche, resserrée autour de son rocher,fière de son pont suspendu et des cinq autres ponts tendus autour d'elle,ville forteresse amoureuse des gorges qui la fendent en deux, disparaît brutalement au détour d'un virage, comme si elle n'avait jamais existé ailleurs que dans leurs jeux, leurs joies et leurs terreurs d'enfant.                                
     
           
Fiche technique :

Editeur: L'Olivier       Date d'édition : Aout 2014    168 pages


Pour aller plus loin :


Valérie Zenatti parle son livre

La part des flammes, Gaëlle Nohant

Note : *****

Récompenses:

Prix des lecteurs "Livre de poche" - 2016
Prix France bleu / Page des Libraires - 2015

Présentation de l'éditeur, Héloïse d'Orsmesson:

Mai 1897. Pendant trois jours, le Tout-Paris se presse rue Jean-Goujon à la plus mondaine des ventes de charité. Les regards convergent vers le comptoir n° 4, tenu par la charismatique duchesse d’Alençon.

Au mépris du qu’en-dira-t-on, la princesse de Bavière a accordé le privilège de l’assister à Violaine de Raezal, ravissante veuve à la réputation sulfureuse, et à Constance d’Estingel, qui vient de rompre brutalement ses fiançailles.

Dans un monde d’une politesse exquise qui vous assassine sur l’autel des convenances, la bonté de Sophie d’Alençon leur permettra-t-elle d’échapper au scandale ? Mues par un même désir de rédemption, ces trois rebelles verront leurs destins scellés lors de l’incendie du Bazar de la Charité.

Enlèvement, duel, dévotion, La Part des flammes nous plonge dans le Paris de la fin du XIXe au cœur d’une histoire follement romanesque qui allie avec subtilité émotion et gravité.



Lire le 1er chapitre



L'auteur :

Née à Paris en 1973, Gaëlle Nohant vit aujourd’hui à Lyon. Elle est lauréate avec Jennifer D. Richard (Bleu poussière) de l'édition 2007 de la Résidence du premier roman consacrée à la littérature fantastique. La Part des flammes est son deuxième roman après L’Ancre des rêves, 2007 chez Robert Laffont, récompensé par le prix Encre Marine. Elle est également l’auteur d’un document sur le rugby et d’un recueil de nouvelles.

Gaëlle Nohant se consacre à l’écriture depuis une dizaine d’années. Inspirée notamment par Dickens et par les écrivains victoriens, cette jeune femme qui construit le canevas de sa narration à partir d’une base documentaire importante, défend une littérature à la fois exigeante et populaire.

Ma critique :

Après le Moyen-Age, je me suis plongée dans cette histoire du XIXeme. Eh bien, si peu d'évolution dans les rapports humains, dans les conditions de la femme ...

Toutes les femmes de l'aristocratie française rêvent d'être au Bazar de la charité, fier étendard de la foi chrétienne, pour la grande majorité qui tient plus de l'apparat que d'une foi profonde et sincère. Mais pour Violaine de Raezal l'enjeu est autre, d'une part il s'agit d'honorer le vœu de son mari décédé mais également de pouvoir subvenir à ses besoins car sans mari, on est plus rien, et encore pire lorsque nos beaux-enfants nous haïssent. Alors lorsque la duchesse d'Alencon la prend son aile (tout comme la jeune Constance), elle se prend d'une amitié sincère et dévouée pour ses femmes qui cachent une blessure comme elle.

Tout ce beau monde est là et plus encore en ce jour funeste puisque le nonce sera présent. Peu après son départ, un feu se déclare et envahit tout le Bazar, emportant femmes, enfants, hommes, aristocrates comme petites gens.

Qui survivra à cette hécatombe ? Combien en resteront marqué à vie ? Comment peut-être exister dans cette société d'apparence avec les stigmates du feu ?
Heureusement, de véritables amitiés vont se nouer et faire s'élever les personnes fragiles mais humaines.

Gaelle Nohant utilise une plume classique, riche digne du 19ème siècle pour décrire cette époque ravagée par le paraître, régie par le christianisme où les dualités pauvre/aristocratie, hommes/femmes sont encore catégorisées en castres intouchables.


Un magnifique roman historique !

Quelques citations relevées :

- Jamais elle ne trouvera de mari. C'est fini, continua-t-elle, les larmes lui montant aux yeux.
- Peut-être la voudra-t-il encore, lui...
- Allons, il n'est pas stupide à ce point, rétorqua Amélie. 

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Quand elle entendait dire que les romans étaient de dangereux objets entre les mains d’une jeune fille, elle ne protestait plus. Puissants et dangereux, oui, car ils vous versaient dans la tête une liberté de penser qui vous décalait, vous poussait hors du cadre. On en sortait sans s’en rendre compte, on avait un pied dansant à l’extérieur et la cervelle enivrée, et quand on recouvrait ses esprits, il était trop tard.
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Violaine de Raezal se disait que s'il était un bonheur possible sur cette terre, on ne pouvait y accéder qu'en laissant mourir certaines choses en soi. Toutes ces choses lourdes et encombrantes qui étaient un grenier plein d'objets cassés et poussiéreux que l'on osait mettre au rebut, mais qui arrêtaient la lumière.                                  
       
             
Fiche technique :

Editeur: Heloïse d'Ormesson         Date d'édition : Mars 2015    496 pages


Pour aller plus loin :


Gaelle Nohant présente son livre


Gaelle Nohant interviewée lors du Salon de Saint-Maur en 2016



N’hésitez pas à aller son site et son café littéraire 

Du domaine des murmures, Carole Martinez

Note : *****

Récompenses:

Prix Goncourt des lycéens - 2011
Prix des lecteurs de Corse -  2012
Prix des lecteurs des écrivains du Sud - 2012
Prix Marcel Aymé - 2012

Présentation de l'éditeur, Gallimard:


En 1187, le jour de son mariage, devant la noce scandalisée, la jeune Esclarmonde refuse de dire "oui" : elle veut faire respecter son vœu de s'offrir à Dieu, contre la décision de son père, le châtelain régnant sur le domaine des Murmures. La jeune femme est emmurée dans une cellule attenante à la chapelle du château, avec pour seule ouverture sur le monde une fenestrelle pourvue de barreaux. Mais elle ne se doute pas de ce qui est entré avec elle dans sa tombe... Loin de gagner la solitude à laquelle elle aspirait, Esclarmonde se retrouve au carrefour des vivants et des morts. Depuis son réduit, elle soufflera sa volonté sur le fief de son père et ce souffle l'entraînera jusqu'en Terre sainte.

Carole Martinez donne ici libre cours à la puissance poétique de son imagination et nous fait vivre une expérience à la fois mystique et charnelle, à la lisière du songe. Elle nous emporte dans son univers si singulier, rêveur et cruel, plein d'une sensualité prenante.



Feuilletez le livre



L'auteur :

Carole Martinez est née en 1966, elle a vécu la majeure partie de sa vie en Moselle.

"Le cœur cousu" est son premier roman, il lui a valu à Saint-Malo en 2007 le troisième prix Ouest-France Étonnants Voyageurs. Le souffle lyrique et la force poétique de ce premier roman aux allures de conte ont séduit les dix jeunes jurés.

En 2011, elle publie "Du domaine des murmures" qui remporte un succès critique et public, il est récompensé par le Goncourt des lycéens. Son récit prend vie au Moyen-Âge en Franche-Comté, au sein du château de Hautepierre aussi l'ouvrage reçoit en 2012 le prix Marcel Aymé décerné par le conseil régional de Franche-comté.... 

Ma critique :

Pour échapper à un mariage arrangé, Esclarmonde dit préférer se consacrer à Dieu et se fait emmurée. Commence alors une longue fable sur le devenir de la femme, sur la foi, sur la violence des hommes.

Carole Martinez, sous des airs mystiques met à mal la foi, en donnant à son héroïne quelques airs de Marie et donnant des explications bien réelles à tous ces "miracles qu'elle rencontrera, qu'elle engendrera".
Alors que l'auteur parle avec douceur et poésie de la maternité, de l'attachement, elle est également capable de violence dans ses propos lorsque évoque la croisade.

J'ai aimé ce livre emprunt de Moyen-Age sans nous envahir du langage, des expressions de l'époque. Elle a su être parcimonieuse dans l'utilisation de son savoir et ses recherches. Et son écriture est poétique, vraie, violente et acerbe.

Une belle découverte qui me pousse à lire d'autres œuvres.

Quelques citations relevées :


Je n'avais pas menti, je m'étais contentée de taire une vérité que personne n'avait envie d'entendre et mon silence avait offert un espace blanc à broder, un vide dont chacun s'était emparé avec délice.    

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Entre le sommet et l'abîme, il n'y a qu'un pas et la chute menace ceux qui tentent de grimper trop vite, trop haut. La chute ou le gibet !
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Et moi, j’étais entrée dans ma cellule comme en un navire, j’y avais essuyé des tempêtes, abordé des terres inconnues, j’y avais tout perdu et tellement espéré. Comment pouvait-on tant apprendre, tant changer, tant souffrir, tant vieillir, en si petit espace ? 
  Je n'avais pas menti, je m'étais contentée de taire une vérité que personne n'avait envie d'entendre et mon silence avait offert un espace blanc à broder, un vide dont chacun s'était emparé avec délice.                                       
                     
Fiche technique :

Editeur: Gallimard         Date d'édition : Aout 2011    208 pages


Pour aller plus loin :



Carole Martinez présente son livre


Carole Martinez est interviewée au salon du livre de Colmar en 2012


La passe-mirroir, tome 2 : Les disparus du ClairdeLune, Christelle Dabos

Note : *****


Présentation de l'éditeur, Gallimard:

Fraîchement promue vice-conteuse, Ophélie découvre à ses dépens les haines et les complots qui couvent sous les plafonds dorés de la Citacielle. Dans cette situation toujours plus périlleuse, peut-elle seulement compter sur Thorn, son énigmatique fiancé ? Et que signifient les mystérieuses disparitions de personnalités influentes à la cour ? Sont-elles liées aux secrets qui entourent l’esprit de famille Farouk et son Livre ?
Ophélie se retrouve impliquée malgré elle dans une enquête qui l’entraînera au-delà des illusions du Pôle, au cœur d’une redoutable vérité.



Feuilletez le livre



L'auteur :

Christelle Dabos est née en 1980 sur la Côte d'Azur. Elle commence à gribouiller ses premiers textes sur les bancs de la faculté et se destine à être bibliothécaire quand la maladie survient.

L'écriture devient alors une seconde nature, notamment au sein de Plume d'Argent, une communauté d'auteurs sur Internet.

Elle décide de relever son premier défi littéraire grâce à leurs encouragements et devient ainsi la grande lauréate du Concours du premier roman jeunesse.

Christelle Dabos vit en Belgique.

Ma critique :

Dans ce 2ème tome, on suit Ophélie dans les méandres de la cour au plus près de Farouk où il faut exister pour survivre. Notre héroïne va donc prendre de l'ampleur, de l'assurance où tantôt elle passe d'un rôle de Molière à celui de Sherlock Holmes. En effet, dans ce tome, on est confrontés à une enquête policière mêlée de magie : Mais où sont-donc passer les disparus ? Pourquoi ces personnes-là précisément ?

Le fil rouge du 1er tome se déroule encore : Que recèle ce Livre ? Sera-t-il lu ? Qu'en ressortira-t-il ?
Et qui est Dieu, qui ponctuait le 1er tome et dont on découvre un peu plus ses intentions dans ce 2ème ?

Le personnage de Thorn prend toute son humanité dans ce tome : on y découvre l'homme, l'enfant, le fils et l'amoureux. Alors que son impopularité auprès des nobles augmente, le respect, l'amitié d'Ophélie à son encontre ne va qu'aller en se développant. Jusqu'où ? Et le mariage aura-t-il lieu ? quelles conséquences lors de l'union de leurs pouvoirs ?

Ce 2ème tome est tout aussi riche en référence du 17eme siècle, de fantastiques. J'ai encore apprécié son écriture, son intrigue, son monde à elle mais j'ai trouvé l'enquête policière un peu longue et étais aussi déçue par cette lecture du Livre que le Roi Farouk.

Vivement le 3ème tome pour voir ou nous mènera Christelle Dabos dans la suite de ses aventures et ce qu'elle nous réserve autour du Dieu, et de cette création du monde ...

Quelques citations relevées :

Il en allait toujours ainsi avec elle : plus elle avait le cœur gros et plus sa tête était vide.

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Vous m’avez voulu honnête avec vous. Vous apprendrez donc que vous n’êtes pas pour moi qu’une paire de mains. Et je me contrefiche que les gens me trouvent douteux, du moment que je ne le suis pas à vos yeux. 
                                         
                       
Fiche technique :

Editeur: Gallimard Jeunesse         Date d'édition : Octobre 2015     560 pages

Pour aller plus loin :



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