mardi 31 mai 2016

Les bonnes Moeurs, Timothée Gaget

Note : *****


Présentation de l'éditeur, Intervalles:

Tristan est un banquier d’affaires parisien habitué à jongler avec les tableurs Excel et à enchaîner les nuits blanches. Lorsqu’on l’envoie à Romorantin sauver une imprimerie de la faillite, il emménage au château du Valbrun, chez son grand-père avec qui il avait perdu tout contact.

Dans l’isolement solognot, une relation complexe se noue peu à peu entre le vieil aristocrate cyclothymique et le jeune financier désabusé. Mais les élections législatives approchent et un ambitieux conseiller municipal veut faire de la construction d’un collège de réinsertion la clef de voûte de sa campagne. Son préalable, l’expropriation des bois du Valbrun, divise bientôt le petit village du Loir-et-Cher en deux camps.

Tristan, accompagné d’un extravagant voisin anglais, est entraîné malgré lui dans cette guerre de tranchées entre la droite rurale et la gauche technocratique. Car derrière les arguments écologiques et politiques, deux conceptions de l’Homme et de l’animal s’affrontent.

Dans la solitude de la forêt, loin de la vie débridée qu’il mène à Paris, Tristan s’enfonce dans l’univers traditionnel et contemplatif de la chasse, où les préoccupations charnelles ne sont pas les moins pressantes et où une espèce protégée de coléoptère peut mettre à mal les plans les plus infaillibles.

Les Bonnes Mœurs est un roman initiatique, mordant et sensible, au rythme endiablé d’une harde fuyant la meute.

Aussi à l’aise dans la caricature du monde de la finance que dans l’évocation de la chute des derniers hobereaux catholiques, aussi vivant dans la peinture d’une orgie parisienne que dans celle d’une partie de chasse, Timothée Gaget s’amuse à entrechoquer des décors au sein desquels les aventures amoureuses et familiales s’entremêlent aux questions sociétales. Il secoue aussi vertement la vieille dichotomie nature/culture. Dans cet hymne à la forêt, il partage surtout une vision sensible et poétique du monde.

L'auteur :

Timothée Gaget est né à Tours en 1985.

Après des études de Droit à Paris et aux Pays-Bas, il travaille brièvement en Suède puis devient avocat.
Il exerce en droit pénal des affaires avant de quitter le Barreau de Paris en 2014 pour rejoindre une agence de communication, où il se spécialise en gestion de crise et en communication judiciaire.

Il est passionné de chasse et de politique.

Les Bonnes Mœurs est son premier roman.

Ma critique :

Notre narrateur évolue entre deux microcosmes, celui de la bourgeoisie parisienne et des chasseurs catholiques du centre de la France. Quelque soit le milieu, il dépeint, il croque avec sarcasme, avec une ironie acerbe les us, les coutumes, les préjugés, les intérêts égoïstes, égocentriques de ces petits bourgeois friqués,addicts de sexe, drogue, alcool, de sensations fortes ou des huguenots ancrés dans leurs traditions conservatrices, catholiques.

Le narrateur quant à lui s'épuise, se complaît dans ses milieux même s'il les critique, il va au bout de l’épuisement psychologique et physique dans son travail, dans ses soirées. De même, au milieu des intégristes chasseurs, il ne reste que spectateur en bouillant intérieurement des inepties de chacun. Mais, quelle tristesse dans ce personnage ! Il prend, il consomme mais il est vide à l'intérieur, à très peu de moments il est heureux, il prend plaisir à l'inverse de son grand -père qui lui profite de sa vie, de sa maison, ses champs, sa chasse sans notion pécuniaire.

J'ai beaucoup apprécié l'écriture de ce jeune auteur, les mots sont choisis avec justesse, un vocabulaire très varié, intelligent puisqu'il sait être cru lors des mondanités parisiennes et leurs excès et plus soigné, scientifique lors des parties de chasse ou des conflits politiques. Certes il y a des scènes de sexe très suggestives mais elles sont évoquées comme consommées cad rapidement, ardument, dans l'excès et non le plaisir. Cette écriture m'a fait penser à Beigbeder ou encore Despentes : direct et efficace.

Beau premier roman! Magnifique couverture !

Ce livre a été reçu dans le cadre d'une masse critique de Babélio. Merci à toute l'équipe, aux éditions Intervalles et à M.Gaget pour cette découverte !


Quelques citations relevées :

Peu importe qu'elle soit à la campagne, à la montagne ou en bord de mer, une maison de famille n'a de sens que si la famille s'y retrouve. Sa situation géographique n'est qu'accessoire, c'est l'émotion des souvenirs qui s'en dégagent qui fait sa beauté. Les générations y passent mais les pierres des murs et des tombes demeurent.
                                               ---------------------------------------------------
L'ironie noire dévore les mélancoliques, l'ironie joyeuse nourrit les humanistes. Choisis la guerre ou la farce, mais pas le cynisme. Si tu te complais dans le cynisme, il te dévorera.
 ---------------------------------------------------

                             
Fiche technique :

Editeur: Intervalles                      Date d'édition : Mars 2016                   400 pages



jeudi 26 mai 2016

Le quatrième mur, Sorj Chalandon

Note : *****


Présentation de l'éditeur, Grasset :

"L'idée de Samuel était belle et folle : monter l'Antigone de Jean Anouilh à Beyrouth. Voler deux heures à la guerre, en prélevant dans chaque camp un fils ou une fille pour en faire des acteurs. Puis rassembler ces ennemis sur une scène de fortune, entre cour détruite et jardin saccagé.
Samuel était grec. Juif, aussi. Mon frère en quelque sorte. Un jour, il m'a demandé de participer à cette trêve poétique. Il me l'a fait promettre, à moi, le petit théâtreux de patronage. Et je lui ai dit oui. Je suis allé à Beyrouth le 10 février 1982, main tendue à la paix. Avant que la guerre ne m'offre brutalement la sienne ..." Sorj Chalandon






Lisez un extrait



L'auteur :
Né en 1952 à Tunis, élève au lycée Jean-Moulin de Lyon, cet écrivain journaliste a fait ses débuts en 1973 à Libération où il a été grand reporter de 1980 à 2007.
Lauréat du prix Albert-Londres en 1988 pour ses reportages sur l'Irlande du Nord et sa couverture du procès Klaus Barbie, il travaille au Canard enchaîné depuis 2009.
Son premier roman, Le Petit Bonzi, est paru en 2005, et le suivant, Une promesse, a obtenu le prix Medicis 2006. Pour le troisième, Mon traître, Sorj Chalandon a décroché le prix Joseph-Kessel et pour le cinquième, Retour à Killybegs, le Grand Prix du roman de l'Académie française.

Ma critique :

Le speech : Georges doit tenir la promesse faite à son ami greco-juif, se rendre à Beyrouth au centre du conflit libanais pour donner une bulle d'oxygène à cette guerre en mettant en scène Antigone d'Anouilh. Le défi est de taille, associer un Créon chrétien face à une Antigone palestinienne, promise à un Druze et entourés d'acteurs chiites, maronites, ... Idée idéaliste, utopique mais qui, malgré tout prend tournure jusqu'au bombardement lors de leur répétition.

Le quatrième mur est cet espace imaginaire entre les spectateurs et les comédiens : on regarde ce qui se passe sans pouvoir y intervenir. Notre narrateur Georges va se laisser dépasser par son rôle de metteur en scène et acteur. Comment monter une pièce de de théâtre au cœur d'un conflit multi-religieux et culturels sans franchir ce quatrième mur ?

Au départ, on se demande "Pourquoi Antigone ?" et au fur et à mesure on se dit "mais bien sûr Antigone ! Aucune autre pièce qu'Antigone !". Pour ses idéaux, pour son orgueil, pour cette quête de paix quitte à passer par des sacrifices.
Ce livre est une tragédie, au sens théâtral, tout comme Antigone. Chaque chapitre représente un personnage de cette histoire et ainsi, tous ont un rôle important dans le défi de Georges mais également dans sa construction personnelle et l'histoire qui se joue en lui. et comme toute tragédie, le destin est décidé à l'avance, il y a des cris, des pleurs, des idéologies et amours à défense et inévitablement la mort.

Ce livre est un bouleversement émotionnel, d'autant plus que cette zone et les intérêts sont toujours et encore sous tension (Liban, Syrie, Palestine, Israel...).

On croise les sentiments d'amitié, de fraternité, d'amour, d'honneur, de patrie, d'idéalisme et bien évidemment, les massacres, les viols, les tortures, les vies brisées physiquement et mentalement.

Au départ, je me disais que j'étais loin de connaitre tous les enjeux de cette guerre: qui est légitime, qui ne l'est pas ? qui est le bourreau, qui est la victime ? Au final, il n'y a pas de bons ni de méchants, il n'y a que l'appartenance à sa Terre et la défendre ou la conquérir, coûte que coûte.

Personne n'apprend du chagrin, des douleurs. La guerre entraîne la guerre.

Dans Antigone, notre tragédienne dit que le plus difficile est de dire NON, alors l'histoire se répète encore et encore, avec d'autres protagonistes, d'autres lieux, ...


Quelques citations relevées :

Je suis le seul à briser le quatrième mur. Le seul à accepter le caractère fictionnel de mon rôle. Le seul à rompre l'illusion.
                                               ---------------------------------------------------
Après Anouilh revisité par les chrétiens, Anouilh était transfiguré par les chiites. Créon, vieillard fatigué par le guerre, qui ne veut que la paix pour son peuple.
 ---------------------------------------------------
Il m'a observé. J'ai secoué la tête. Non, je ne pleurais pas. Je n'avais plus de larmes. Il m'a dit qu'il fallait en garder un peu pour la vie. Que j'avais droit à la peur, à la colère, à la tristesse.
  ---------------------------------------------------
J'étais venu au monde parce qu'une femme avait aimé un homme. Elle est repartie sans avoir eu le temps de m'aimer. J'étais une bouche en trop, je suis devenu un cœur en plus.
                                 
Fiche technique :

Editeur: Grasset               Date d'édition : Aout 2013                 336 pages




Pour aller plus loin :

Voir Antigone, ci-dessus, pièce mise en scène par N. Biançon, en 2003

Lire Antigone - Anouilh

Présentation de Sorj Chalandon

Quelques cartes pour situer l'action

 

dimanche 15 mai 2016

Antigone, Jean Anouilh

Note : *****


Présentation de l'éditeur:

Après Sophocle, Jean Anouilh reprend le mythe d'Antigone. Fille d'Oedipe et de Jocaste, la jeune Antigone est en révolte contre la loi humaine qui interdit d'enterrer le corps de son frère Polynice.
Présentée sous l'Occupation, en 1944, l'Antigone d'Anouilh met en scène l'absolu d'un personnage en révolte face au pouvoir, à l'injustice et à la médiocrité.
«L'Antigone de Sophocle, lue et relue et que je connaissais par cœur depuis toujours, a été un choc soudain pour moi pendant la guerre, le jour des petites affiches rouges. Je l'ai réécrite à ma façon, avec la résonance de la tragédie que nous étions alors en train de vivre.» Jean Anouilh.





L'oeuvre



L'auteur :
Jean Anouilh est écrivain et dramaturge français. Il est né le 23 juin 1910 à Bordeaux, en Gironconde. Son œuvre théâtrale, particulièrement abondante et variée, commence en 1932. Elle est constituée de nombreuses comédies et d'œuvres dramatiques ou tragiques comme sa pièce la plus célèbre, Antigone (1944), réécriture moderne de la pièce de Sophocle.
Anouilh organise lui-même ses œuvres en séries thématiques, faisant alterner Pièces Roses, des comédies marquées par la fantaisie tels que Le bal des voleurs (1938), et Pièces Noires, qui montrent l'affrontement des "héros" entourés de gens ordinaires, prenant souvent appui sur des mythes comme Eurydice (1941), Antigone (1944) ou Médée (1946).
Puis après la guerre apparaissent les Pièces Brillantes qui jouent sur la mise en abyme du théâtre au théâtre: La Répétition ou l'amour puni en 1947 et Colombe en 1951. Ensuite on a les Pièces Grinçantes qui consistent en des comédies satiriques comme Pauvre Bitos ou le Dîner de têtes (1956). Dans la même période, Anouilh s'intéresse, dans les Pièces Costumées, à des figures lumineuses qui se sacrifient au nom du devoir : envers la patrie comme Jeanne d'Arc dans L'Alouette (1953) ou envers Dieu comme Thomas Becket (Becket ou l'Honneur de Dieu en 1959).
Le dramaturge a continué dans le même temps à servir le genre de la comédie dans de nombreuses pièces où il mêle farce et ironie (par exemple Les Poissons rouges ou Mon père ce héros en 1970) jusque dans les dernières années de sa vie.
Jean Anouilh a également adapté plusieurs pièces d'auteurs étrangers, Shakespeare en particulier. Il a aussi mis en scène certaines de ses œuvres (par exemple Colombe en 1974), en même temps qu'il travaillait à des scénarios pour le cinéma ou à la télévision.
Il meurt en 1987, à Lauzanne.


Ma critique :

Commençant à lire Le quatrième mur de Chalandon, j'ai fait une pause pour lire Antigone, puisque cette pièce va se trouver au centre du livre.

Antigone, est la tragédienne qui mourra pour ses convictions plus que par amour, comme beaucoup de tragédiennes raciniennes, giralduciennes, .... Comme ces auteurs, Anouilh reprend une tragédie grecque pour mettre en exerce les maux de la société actuelle ; la seconde guerre mondiale, en l'occurrence.

En rendant ce pan de l'histoire accessible à tous, grâce à une écriture simple et une mise en scène épurée, Anouilh vise juste et on retient l'idée phare de cette pièce. Comment peut-on atteindre le bonheur lorsque l'humain est confronté au pouvoir, à la fatalité, à sa moralité et son orgueil ?
Doit-on défier les lois par respect pour les liens du sang, pour son intime conviction de justice humaine, morale ?

Il y a de très belles tirades sur ces thèmes de bonheur, de la vie, du rôle de chacun au niveau politique, au niveau humain.

Et bien sûr, on lit cette oeuvre en y cherchant les doubles sens qu'il a voulu faire vis à vis de l'occupation allemande, la collaboration et la résistance. C'est très finement amené.

Lecture plaisante, rapide et instructive. Je l'ai relu dans la foulée pour l'apprécier doublement.

Et maintenant, comment Sorj Chalandon s'en est inspiré ?


Quelques citations relevées :

La vie n'est pas ce que tu crois. C'est une eau que les jeunes laissent couler sans le savoir, entre leurs doigts ouverts. Ferme tes mains, ferme tes mains, vite. Retiens-la. Tu verras, cela deviendra une petite chose dure et simple qu'on grignote, assis au soleil.
                                               ---------------------------------------------------
Vous me dégoûtez tous avec votre bonheur ! Avec votre vie qu'il faut aimer coûte que coûte... Moi, je veux tout, tout de suite, et que ce soit entier, ou alors je refuse! Je ne veux pas être modeste , moi, et de me contenter d'un petit morceau, si j'ai été bien sage.
 ---------------------------------------------------
Tous ceux qui avaient à mourir sont morts. Ceux qui croyaient une chose, et puis ceux qui croyaient le contraire — même ceux qui ne croyaient rien et qui se sont trouvés pris dans l'histoire sans y rien comprendre. Morts pareils, tous, bien raides, bien inutiles, bien pourris. Et ceux qui vivent encore vont commencer tout doucement à les oublier et à confondre leurs noms.
  ---------------------------------------------------
Comprendre... Vous n'avez que ce mot-là dans la bouche, tous, depuis que je suis toute petite. Il fallait comprendre qu'on ne peut pas toucher à l'eau, à la belle et fuyante eau froide parce que cela mouille les dalles, à la terre parce que cela tache les robes. Il fallait comprendre qu'on ne doit pas manger tout à la fois, donner tout ce qu'on a dans ses poches au mendiant qu'on rencontre, courir, courir dans le vent jusqu'à ce qu'on tombe par terre et boire quand on a chaud et se baigner quand il est trop tôt ou trop tard, mais pas juste quand on en a envie ! Comprendre. Toujours comprendre. Moi, je ne veux pas comprendre. Je comprendrai quand je serai vieille. (Elle achève doucement.) Si je deviens vieille. Pas maintenant. 
                               
Fiche technique :

Editeur: La Table Ronde               Date d'édition : Mars 2008 (1ère édtion, 1947)               128 pages


Pour aller plus loin :

Voir Antigone, ci-dessus, pièce mise en scène par N. Biançon, en 2003

samedi 14 mai 2016

Juste avant l'oubli, Alice Zéniter

Note : *****

Récompenses :
Prix Renaudot des lycéens 2015
Prix littéraire de Trouville-Pavillon Augustine, 2015

Présentation de l'éditeur, Flammarion :

Il règne à Mirhalay une atmosphère étrange. C'est sur cette île perdue des Hébrides que Galwin Donnell, maître incontesté du polar, a vécu ses dernières années avant de disparaître brutalement - il se serait jeté du haut des falaises. Depuis, l'île n'a d'autre habitant qu'un gardien taciturne ni d'autres visiteurs que la poignée de spécialistes qui viennent tous les trois ans commenter, sur les « lieux du crime », l'oeuvre de l'écrivain mythique. Cet été-là, Émilie, qui commence une thèse sur Donnell, est chargée d'organiser les Journées d'études consacrées à l'auteur. Elle attend que Franck, son compagnon, la rejoigne. Et Franck, de son côté, espère que ce voyage lui donnera l'occasion de convaincre Émilie de passer le restant de ses jours avec lui. Mais sur l'île coupée du monde rien ne se passe comme prévu. Galwin Donnell, tout mort qu'il est, conserve son pouvoir de séduction et vient dangereusement s'immiscer dans l'intimité du couple. Alice Zeniter mène, avec une grande virtuosité, cette enquête sur la fin d'un amour et donne à Juste avant L'Oubli des allures de roman noir.





Lisez un extrait




L'auteur :
Normalienne, Alice Zeniter est, en 2013, doctorante en études théâtrales et chargée d'enseignement à l'université Sorbonne Nouvelle. Elle a également enseigné le français en Hongrie, où elle a vécu plusieurs années.
Lorsqu'elle était enseignante en Hongrie, Alice Zeniter fut assistante-stagiaire à la mise en scène dans la compagnie théâtrale Kreatakor du metteur en scène Arpad Schilling. Puis elle a collaboré à plusieurs mises en scène de la compagnie théâtrale Pandora, et travaille en 2013 comme dramaturge pour la compagnie Kobal't. Elle collabore à l'écriture du long métrage Fever, une adaptation du roman éponyme de Leslie Kaplan, réalisé par Raphaël Neal et sorti en 2015.

Alice Zeniter a publié son premier roman, Deux moins un égal zéro (Éditions du Petit Véhicule), à 16 ans, et lui a valu le Prix littéraire de la ville de Caen.
"Jusque dans nos bras", publié en 2010, a été récompensé par le Prix littéraire de la Porte dorée et le Prix de la Fondation Laurence Trân.
"Sombre dimanche" reçoit le Prix Inter et le prix des lecteurs l'Express 2013. En 2015, elle publie "Juste avant l'oubli".

Ma critique :

Emilie décide de donner un sens plus valorisant à sa vie d'enseignante en reprenant ses études et en consacrant sa thèse à son écrivain fétiche. Son compagnon, Franck, voudrait donner également un sens plus valorisant à son existence en devenant père. Mais voilà, les désirs de l'un ne sont pas compatibles avec l'autre.

Est-ce qu'un couple peut survivre, aller dans une même direction lorsque les ambitions personnelles mènent vers des chemins différents ?
Peut-on être heureux dans un déséquilibre du développement personnel ? et encore plus, lorsqu'on se sacrifie pour que l'autre ait une dette ?
Ce roman pose toutes ces questions et l'auteur tente d'y répondre, en tout cas, en donne son point de vue avec une écriture fine et soignée.

En parallèle, nous suivons donc l'héroïne dans Les Hébrides où elle est maîtresse de cérémonie des conférences sur un auteur de roman noir, imaginé par l'auteure. Tout le personnage de cet écrivain, sa personnalité, son oeuvre, sa mort, ... est décortiqué et on y croit. Tout le travail autour de ce personnage est vraiment à féliciter.
Toutefois, il ne m'a pas emballée plus que ça ... en revanche celui de Jock, l'unique être humain vivant sur cette île tout au long de l'année est fascinant, énigmatique. J'aurai aimé qu'il soit autant approfondi que l'écrivain, même les 2 protagonistes paraissent bien ternes à côté.
Je dois dire que dès le départ, je n'ai pas aimé le personnage de Franck, trop en manque de confiance, trop "geignard", j'ai pensé qu'il évoluerait mais difficilement ... Emilie, il lui manque un côté plus humain (mise à part le passage chez son coach), c'est dommage. Ces personnages avec plus de profondeur aurait pu être plus attachants.

Le point positif : La plume d'Alice Zéniter ! elle est agréable à lire, avec les mots justes, une écriture fluide et pointue. Une auteure que je découvre et que je relirais sûrement.

Quelques citations relevées :

Le sourire d'Emilie - de façon paradoxale - faisait taire sa crainte de n'avoir agi que pour obtenir ce sourire, car quand bien même cela eût été son unique raison, elle était pleinement valable, elle était peut-être même la seule qui méritât qu'on prit une décision : voir Emilie sourire et savoir que c'était grâce à lui, savoir que ce sourire immense lui était dû.
                                               ---------------------------------------------------
C'est une force tapie dans le ventre que la tristesse ne muselle qu'un temps et qui lui interdit de finir. Elle s'ouvre déjà vers les futurs possibles. C'est une confiance qui parait ne pas lui appartenir mais dont il ne peut pas non plus se défaire et qui se battra pour qu'il continue qui usera de chaque moment de sommeil, de chaque sourire, de chaque bouchée de nourriture pour le ramener à elle...

                                   
Fiche technique :

Editeur: Flammarion            Date d'édition : Août 2015     288 pages


Pour aller plus loin :

Alice parle de son roman, sur France Info


Où se situent Les Hébrides ?


Aspect rocailleux et verdoyant 


mardi 10 mai 2016

La couleur de l'eau, Kerry Hudson

Note : *****

Récompenses :
Femina - Etranger - 2015

Présentation de l'éditeur, Philippe Rey :

Sous le charme, Dave, vigile dans un luxueux magasin londonien, laisse, partir une jeune voleuse qu’il venait de surprendre. Sa journée terminée, il la découvre dehors, à l’attendre. C’est le début d’une relation complexe, entre deux êtres abîmés, chacun dissimulant un lourd passé. Comment Alena, venue avec tant de projets de sa Russie natale, se retrouve-t-elle à la rue et sans papiers ? Pourquoi Dave vit-il comme en exil à quelques kilomètres de chez lui ? Qu’ont-ils bien pu traverser l’un et l’autre pour être si tôt désabusés ?
Le parcours d’Alena, lié aux réseaux de prostitution, est chargé de compromissions, de peurs et d’espoirs étouffés. L’histoire de Dave part des cités anglaises, à l’horizon bien bas, celle d’un garçon aux rêves d’aventure mais trop obéissant et un peu lâche. Page après page, ils s’apprivoisent, se rapprochent – en prenant soin d’éviter leurs zones d’ombre qui, bien évidemment, finiront par les rattraper.
Se gardant des clichés et du larmoyant, Kerry Hudson ne juge jamais ses personnages, elle les raconte, avec leurs fragilités et leurs faiblesses. De Londres à la Sibérie en passant par Moscou, elle tresse un récit d’une grande finesse et livre une moderne et atypique histoire d’amour.





Lisez un extrait



L'auteur :
Kerry Hudson est née à Aberdeen, en 1980. Avoir grandi dans une succession de HLM, bed and breakfasts et campings à l’année lui a fourni la matière de son premier roman Tony Hogan m'a payé un ice-cream avant de me piquer maman en 2014. Ce premier roman a été lauréat du premier Prix du livre écossais.
En 2015, elle est couronnée du Prix Femina du roman étranger pour La Couleur de l'eau.

En marge de son activité d'écriture, Kerry Hudson est à l'origine de la création de The WoMentoring Project, qui offre l'opportunité à des femmes de devenir écrivain tout en en bénéficiant du soutien gracieux de professionnelles de la littérature.

Ma critique :

Alena, 20 ans a quitté sa Russie pour espérer une vie meilleure en Europe alors lorsqu'une amie de sa mère lui propose un emploi en Angleterre, elle fait sa valise. L'espoir s'évanouit à peine arrivée à l'aéroport, elle est embrigadée dans les réseaux de prostitution de l'Est jusqu'à son évasion et la rencontre avec Dave.
Dave, le garçon de la cité qui avait également le rêve d'aller voir ailleurs, s'éloigner de la misère sociale, mais voilà sa mère tombe malade, souhaite le voir se marier avec sa meilleure amie. Dave fera tout pour l'amour de sa mère, quitte à briser ses espoirs de voyage.
Quelques années plus, il rencontre Alena et tombe amoureux de cette belle étrangère perdue dans ce grand pays. Et maintenant, c'est pour elle, qu'il sacrifiera sa vie future pour faire son bonheur, leur bonheur.

Dit comme ça, on se croirait dans un roman à l'eau de rose mais non, ce livre est écrit avec justesse, sans sentimentaliste guimauve. J'ai adoré le personnage de Dave, le regard qu'il porte sur elle, sa bienveillance, ...; le personnage d'Alena est moins approfondit.


On lit ce livre avec avidité pour en connaitre la fin et pour suivre notre héros des temps modernes, on regrette cependant que l'auteur n'est pas été plus loin dans le contexte socio-économique de ces deux pays, trop léger à mon gout.

Quelques citations relevées :

La douleur exquise de se sentir hors de danger, de désirer un autre corps, d’avoir soif d’une odeur, le réconfort de tendre vers tout cela qui lui était donné sans le tranchant de la peur ni la cruauté de l’appropriation.
                                               ---------------------------------------------------
Il avait oublié le malaise du désir qui l’envahissait jusqu’à la plante des pieds. Désirer et peut-être se permettre d’obtenir et peut-être d’être désiré en retour. Il avait oublié à quel point il pouvait être terrifiant de désirer et d’obtenir.

                                 
Fiche technique :

Editeur: Philippe Rey            Date d'édition : Août 2015                          352 pages


Pour aller plus loin :

Kerry Hudson parle de son livre