lundi 7 décembre 2015

La petite communiste qui ne souriait jamais, Lola Lafon


Note : *****

Récompenses:

Prix de la Closerie des Lilas -2014
Le prix Ouest France / Etonnants Voyageurs - 2014
Grand Prix de l'héroïne, Madame Figaro - 2014
Prix Littéraire d'Arcachon -2014
Prix des lecteurs de Levallois - 2014
Le Prix Jules Rimet sport et littérature - 2014
Prix Version Femina - 2015

Présentation de l'éditeur, Actes Sud :


Parce qu’elle est fascinée par le destin de la miraculeuse petite gymnaste roumaine de quatorze ans apparue aux JO de Montréal en 1976 pour mettre à mal guerres froides, ordinateurs et records au point d’accéder au statut de mythe planétaire, la narratrice de ce roman entreprend de raconter ce qu’elle imagine de l’expérience que vécut cette prodigieuse fillette, symbole d’une Europe révolue, venue, par la seule pureté de ses gestes, incarner aux yeux désabusés du monde le rêve d’une enfance éternelle. Mais quelle version retenir du parcours de cette petite communiste qui ne souriait jamais et qui voltigea, d’Est en Ouest, devant ses juges, sportifs, politiques ou médiatiques, entre adoration des foules et manipulations étatiques ?
Mimétique de l’audace féerique des figures jadis tracées au ciel de la compétition par une simple enfant, le romanacrobate de Lola Lafon, plus proche de la légende d’Icare que de la mythologie des “dieux du stade”, rend l’hommage d’une fiction inspirée à celle-là, qui, d’un coup de pied à la lune, a ravagé le chemin rétréci qu’on réserve aux petites filles, ces petites filles de l’été 1976 qui, grâce à elle, ont rêvé de s’élancer dans le vide, les abdos serrés et la peau nue.

La petite communiste qui ne souriait jamais figure parmi les 25 romans de l'année sélectionnés par les critiques du Point.



Feuilletez le début




L'auteur :

D’origine franco-russo-polonaise, élevée à Sofia, Bucarest et Paris, Lola Lafon s’est d’abord consacrée à la danse avant de se tourner vers l’écriture. Ses  trois premiers romans sont parus chez Flammarion : Une fièvre impossible à négocier, Prix  A tout lire,  De ça je me console  et Nous sommes les oiseaux de la tempête qui s’annonce , Prix Coup de Cœur de la 25ème heure au salon du Livre du Mans et finaliste du Prix Marie-Claire. Ce dernier roman a été adapté au théâtre par la compagnie « Les Fugaces » et Leila Kilani, travaille actuellement à une adaptation cinéma.

Lola Lafon est également musicienne, elle a deux albums à son actif :« Grandir à l’envers de rien » et « Une vie de voleuse ». Chaque sortie de roman a été accompagnée d’un « concert lecture ».

Politiquement engagée dans plusieurs collectifs anarchistes, antifa et féministes, Lola Lafon s’est parfois exprimée  dans certains quotidiens. Elle donne également quelques ateliers d’écriture dans des lycées pour la plupart classés en « difficulté » et elle a, en 2013, commencé à animer un atelier d’écriture à Bucarest, en français, avec des jeunes roumain(e)s. 

Ma critique :


Très belle découverte que ce livre!
Dans un 1er temps séduite par la couverture (où je n'avais pas reconnu Nadia Comaneci au 1er coup d’œil), je le fus d'autant plus par le style d'écriture de Lola Lafon.

L'histoire, nous fait remonter aux années Ceaucescu; période pas toute rose pour les roumains (régime communiste totalitaire du blog de l'Ouest où les moindres faits et gestes sont épiés, scrutés - soit on se plie aux règles soit ..., le choix était-il possible? oui comme toujours mais à quel prix?).
Et soudain, lors des JO de Montréal, surgit une jeune fille de 14 ans, minois de fillette mais corps d'athlète qui voltige, qui retombe toujours sur ses pieds sans une once d'hésitation, de tremblement et qui réalise l'impensable (puisque même les techniciens n'avaient pas envisager cet exploit pour l'affichage du tableau) : un 10, puis suivront une ribambelle de 10 et de médailles.

Lola Lafon revient sur cet exploit, sur la personnalité, le mental d'acier de cette gymnaste, le couple d’entraîneurs, tant décriés pour leurs méthodes mais admirés par leurs résultats (les américains ne les ont-ils pas fait venir de Roumanie pour être champion? qu'importe le flacon, pourvu qu'on est l'ivresse ...). Elle décortique les rapports de Nadia avec le pouvoir en place : où commence le libre-arbitre? où s'arrête la soumission ? On la suit tel un pantin désarticulé, marionnette aux mains du Conducator, qui échappe à ses parents, à son entraîneur même, pour représenter La Roumanie, toute puissante face à l'URSS et au monde occidental. Elle pointe le régime Ceaucescu dans son contrôle des femmes, de la menstruation au nombre d'enfants obligatoires.

Dans tous ces sujets abordés, Lola Lafon nous laisse le libre-arbitre justement et elle utilise intelligemment ses conversations fantasmées pour nous apporter d'autres points de vue, nous faire questionner : Béla était dur, oui, mais Nadia avait des prétentions au-delà des siennes encore ! La Roumanie était liberticide, oui mais les sociétés occidentales ne sont-elles pas pire car ne donnons-nous pas nous-même le fouet, avec tous nos appareils géolocalisés ou pucés (téléphone, carte bleue, carte vitale, carte transport, ...) ?
Lola Lafon utilise l'écriture comme la gymaste utilisait ses agrès ou la musicienne qu'elle est, utilise son instrument: elle virevolte, rebondit, nous fait passer par toutes les émotions : tendresse, sarcasme, naïveté, réalisme, compassion, haine.

Durant toute cette lecture, me restaient deux images de mon enfance/adolescence, les pirouettes de Nadia et les corps des Ceaucescu. Ce livre, c'est cela : on passe de la fascination à ce petit bout de femme, véritable OVNI de la gymnastique, du sport même, au mal l'aise, au dégoût (voire la nausée) des circonstances dans lequel tout est arrivé, il reste un gout amer ...

Quelques citations relevées :

"Toute la journée, il commande: refais. Recommence. Les poignets des petites en équilibre cèdent sous leur poids. Des crampes les tiennent éveillés la nuit, la faim les réveille de plus en plus tôt, à 4 heures du matin, il les entend chuchoter dans le dortoir. Au dîner, elles se nourrissent en silence, des gestes secs pour porter la fourchette à leur bouche. Leurs larmes changent, elles aussi : ce qu'elles pleurent, à chaque entrainement, c'est l'impossibilité d'aller plus loin, enragées comme devant une construction de tendons et de muscles qui cèdent avant elles."
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"Vous avez contribué à la fabrication de cette image. A travers vous, le pouvoir faisait la promotion d'un système. La réussite totale du régime communiste, l'apothéose de la sélection: l'Enfant nouvelle surdouée, belle, sage et performante.
(Rire agacé.)
Ah oui, bien entendu! Les Roumains vendaient le communisme. En revanche, les athlètes français ou américains, aujourd'hui ne représentent aucun système, n'est-ce pas, aucune marque!!..."
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"C'est quoi votre modèle? Crever de faim dans la rue ou mourir de solitude dans son appartement? L'ennui à crédit? Parvenir-réussir-arriver? Où ça?? J'en ai marre d'être obligée de vous désirer, le rêve occidental, ah, ces pauvres crasseux de l'Est à qui vous ne cessez de faire la leçon avec votre merveilleuse démocratie idéale, ça va, on a compris!"


Fiche technique :

Editeur: Actes Sud                  Date d'édition : Janvier 2014      320 pages


Pour aller plus loin :




Le programme à la poutre de Nadia, au JO de Montreal - Je vous invite à regarde aussi les barres asymétriques

Revenons au livre :

Lola Lafon parle de son livre, à la libraire Mollat, Paris



Un extrait du concert-lecture


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